En remplaçant croupiers et jetons par des roulettes électroniques et des tapis digitaux, les casinotiers pensaient avoir pris un coup d'avance sur les tricheurs. Cependant, il est parfois naïf de croire que la technologie peut totalement éliminer la fraude. Un gang de joueurs malintentionnés a récemment démontré que même les machines les plus sophistiquées peuvent être manipulées. Grâce à des techniques sournoises, ces tricheurs ont réussi à exploiter un système qui semblait inviolable.

Les forces de l'ordre ont interpellé treize suspects, dont une femme, lors d'une opération menée par la police des jeux de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Les accusés ont été placés en garde à vue et devraient faire face à des accusations d'escroquerie en bande organisée. Cette enquête, qui a débuté au printemps dernier, a révélé une opération d'ampleur, touchant une quinzaine de casinos à travers la France. Parmi eux, le casino d'Enghien-les-Bains, réputé comme le plus lucratif du pays, a subi des pertes importantes, évaluées à environ 700 000 €.

Une faille dans la sécurité

La roulette anglaise électronique (RAE) a connu un succès indéniable depuis son introduction dans les casinos entre 2013 et 2014. Très appréciée par les jeunes générations, cette machine combine la tradition du jeu avec le modernisme des technologies numériques. Chaque table est équipée de sièges entourant une roulette automatique, où les joueurs peuvent interagir via des écrans digitaux pour placer leurs mises et observer les résultats en temps réel.

Les escrocs ont réussi à déceler une vulnérabilité sur les roulettes de la marque Novomatic, probablement dévoilée par une fuite interne. En actionnant discrètement une manette cachée sous la table, généralement réservée aux techniciens pour la maintenance, ils ont pu éteindre la machine, annulant ainsi leurs mises. En se regroupant à la même table, ils attendaient le lancement de la bille, et si le résultat était défavorable, ils déclenchaient la manette pour faire croire à une erreur technique. C'est le casino d'Enghien qui a découvert le pot aux roses en mai dernier, après avoir observé une anomalie dans les gains redistribués par la machine. Les enregistrements de vidéosurveillance ont révélé un homme dissimulant sa main sous un sac à dos, en train de manipuler la manette.

Six mois d'enquête

« Nos dispositifs de surveillance ont prouvé leur efficacité, » a déclaré le directeur général du casino d'Enghien, qui compte quatre roulettes anglaises électroniques et un total de 67 postes disponibles. « Dans les casinos, les tricheurs ne peuvent jamais échapper à la justice. Chaque mouvement est capté et enregistré, et les joueurs doivent montrer une pièce d'identité à leur arrivée, » a-t-il ajouté avec satisfaction.

Malgré tout, il a fallu six mois de travail minutieux aux enquêteurs pour démanteler ce réseau de tricheurs, qui avait parcouru la France en ciblant toujours les mêmes marques de roulettes. Afin de prévenir d'autres incidents, un message d'alerte a été diffusé auprès de tous les casinos concernés. Cette vigilance a porté ses fruits lorsque l'un des établissements a signalé des activités suspectes. Les treize membres du gang ont été interpellés à leur domicile, prouvant ainsi que, loin de porter chance, le nombre treize s'avère être un véritable porte-malheur pour les escrocs.