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Au Canada, les jeux de hasard attirent de plus en plus d’attention, amplifiée par une série de facteurs variés, y compris les retombées de la pandémie de COVID-19 et le nouveau cadre législatif de la Loi sur le pari sportif sécuritaire et réglementé, qui a ouvert la voie à des paris sportifs sous une réglementation stricte. Cela a considérablement modifié le paysage des jeux d'argent, où les entités licenciées peuvent désormais offrir des paris sportifs légaux et encadrés, ce qui entraîne de nouveaux défis et opportunités pour les parieurs.
L'explosion du nombre d'utilisateurs de plateformes de paris en ligne ainsi que le succès retentissant de Jeux en ligne Ontario ont clairement démontré que l'industrie des jeux de hasard est en pleine expansion au Canada, avec des millions de joueurs attirés par l'adrénaline des mises et des gains potentiels. Dans cet article, nous examinerons plus en détail diverses questions complexes entourant les jeux de hasard dans ce pays. Plus précisément, nous nous concentrerons sur le traitement fiscal des gains et des pertes au poker, tout en tenant compte des directives de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), des critères juridiques pertinents, ainsi que des décisions judiciaires récentes qui ont commencé à redéfinir ces enjeux.
Les affaires marquantes telles que Duhamel c. La Reine (2022 CCI 66), Fournier Giguère c. Le Roi (2022 CCI 132), D’Auteuil c. Le Roi (2023 CCI 3) et Bérubé c. Le Roi (2023 CCI 12) ont apporté une nuance supplémentaire aux façons dont les gains issus du poker peuvent être perçus fiscalement. Ces décisions compliquent la définition classique, car il devient plus difficile de déterminer, pour des fins fiscales, si un joueur opère véritablement une entreprise. Les joueurs de poker qui réussissent à engranger des bénéfices de façon régulière pourraient se voir imposés, soulevant ainsi des sources d'inquiétude et de confusion pour les amateurs de jeux au Canada.
Points à retenir
♠ Contrairement à l’arrêt Duhamel, les décisions dans les affaires Fournier Giguère, D’Auteuil et Bérubé proposent un modèle d’imposition des gains tirés des jeux de hasard centré sur les résultats, suggérant que ceux qui engrangent des profits sont plus susceptibles d’être soumis à l’impôt que ceux qui subissent des pertes.
♣ L’élément fondamental de commercialité déterminant semble être la capacité du joueur à générer un profit à travers ses activités de jeux de hasard. Cela pourrait signifier que les joueurs occasionnels et récréatifs, peu importe leur chance, n'entraîneront pas de conséquences fiscales similaires à celles des joueurs professionnels.
♥ Ces décisions n’examinent pas de la même manière les accords de partage de gains et leur rôle potentiel en tant que stratégies d’atténuation des risques, ce qui reste un champ d’interrogation pour les praticiens du droit fiscal.
♦ L'utilisation de logiciels tiers pour optimiser le jeu en ligne a suscité l’intérêt des tribunaux, bien que la méthode par laquelle les joueurs peuvent exploiter ces outils pour maximiser leurs gains reste à explorer.
1. Traitement fiscal des activités de jeux de hasard
Les contribuables souhaitant naviguer à travers les complexités de l’imposition doivent examiner attentivement l’applicabilité des articles 3 et 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu, afin de déterminer si leurs activités de jeux de hasard sont soumises à l’imposition.
L’article 3 de la loi stipule que le revenu imposable doit être déterminé en calculant le « total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable [...] dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris [...] le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien ». L’article 9, quant à lui, précise que « le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année ». Dans le cadre des jeux de hasard, la question cruciale est de savoir si le contribuable est effectivement le gérant d’une entreprise. En règle générale, les gains provenant des jeux de hasard ne sont pas imposables, car ils ne découlent pas d'une source de revenu au sens traditionnel (comme un salaire ou des bénéfices d'entreprise). Cependant, si ces gains s’ancrent dans un contexte commercial et se manifestent dans le cadre d'activités d'affaires plus larges, ils deviennent imposables.
Cette qualification peut se révéler avantageuse sur le plan fiscal pour plusieurs raisons :
- Les gains de jeux de hasard ne sont pas imposables s’ils ne constituent pas un revenu d'entreprise ;
- Les pertes sont déductibles d’impôt si elles résultent de l’exploitation d’une entreprise.
Les différents niveaux de tribunaux canadiens se sont souvent penchés sur la qualification des activités de jeux de hasard, mais ce n'est que récemment que des décisions importantes ont été rendues concernant le poker de type Texas Hold’em (que nous appellerons simplement « poker »). Ces décisions serviront de base pour pratiquement tous les litiges fiscaux liés au poker à l'avenir et joueront un rôle crucial dans l'imposition des activités de jeux de hasard en général.
2. Critère juridique pertinent
La définition de « revenu d’entreprise » selon la Loi de l’impôt sur le revenu évolue continuellement, tout comme la jurisprudence qui y est associée dans des affaires relatives aux jeux de hasard. Dans l’affaire Stewart c. Canada, par exemple, la Cour suprême du Canada a adopté le critère suivant pour faire la distinction entre les activités personnelles et commerciales :
« Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments probants soutenant cette intention ? »
Ce critère est à la fois subjectif et objectif. Il vise à déterminer si une activité est assujettie à la Loi de l’impôt sur le revenu. Sur le plan subjectif, la Cour évalue s’il existe une intention réelle de réaliser un profit. D’un point de vue objectif, elle examine la présence d’indices de commercialité ou de caractéristiques commerciales. Étant donné la nature des jeux de hasard et le fait qu’une des motivations pour y participer est de gagner de l’argent, il a été établi en cour que « l’intention de réaliser un profit est un facteur qui n’est pas déterminant dans l’évaluation de la commercialité de ce type d’activités, car tous les joueurs sont motivés par la recherche du profit ».
Conformément à la décision rendue dans l’affaire Duhamel, on ne peut conclure à l’existence d’une source de revenu d’entreprise que si la preuve démontre que l’activité en question a été exercée selon des normes objectives de comportement d’affaires sérieux.
3. Facteurs de commercialité
Bien que Moldowan c. La Reine ne traite pas spécifiquement des jeux de hasard, elle fournit néanmoins une liste non exhaustive de facteurs objectifs que les tribunaux peuvent utiliser pour déterminer si l’intention d'un joueur est de réaliser un profit, parmi lesquels :
- L’état de ses profits et pertes des années passées ;
- Son niveau de formation ;
- Les moyens par lesquels il s’engage dans le jeu ;
- Sa capacité à réaliser un profit.
La gestion et l’atténuation des risques doivent également être prises en compte. Les tribunaux considèrent généralement que « la prise de risque est une caractéristique inhérente à toute activité génératrice de revenus, et c’est plutôt la minimisation du risque, ou la gestion du risque, qui est susceptible de transformer cette activité en source de revenus ». Normalement, une activité sera considérée comme étant de nature commerciale si elle est adossée à un système clair, comprenant un plan d’affaires, une formation adéquate, la capacité de générer un profit, et des mécanismes d’atténuation des risques. Dans Fournier Giguère, la Cour a par ailleurs indiqué que « le critère de minimisation du risque dans l’analyse de l’exploitation d’une entreprise par le contribuable » est l’un des principaux facteurs « susceptibles de faire de cette activité une source de revenus ».
Un aspect souvent débattu dans les quatre affaires évoquées est probablement la fréquence d'activité de jeu. Un exemple fréquemment cité remonte à plusieurs années, dans l’affaire Leblanc c. La Reine, où la Cour a déclaré que « même si le joueur s’adonne au jeu régulièrement, fréquemment et systématiquement, cela ne représente pas nécessairement une activité commerciale, sauf dans des circonstances très particulières ».
Il ne suffit donc pas qu'une personne ait de la chance, ou qu'elle espère gagner ; il faut qu’elle nourrisse une intention claire de réaliser des gains, une espérance raisonnable de profit, et qu'elle adopte une conduite correspondant aux normes d’un comportement d’affaires sérieux. Bien que la fréquence de jeu ait peu d’importance, les compétences, les connaissances, et la discipline du contribuable doivent être considérées dans l’évaluation de la commercialité. L’importance relative accordée à chacun de ces facteurs est l'une des bases du critère juridique des « normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux » établi dans l’affaire Stewart. Comme le montre la jurisprudence, la détermination de ce qui constitue un tel comportement n’est pas toujours limpide.
4. Affaires qui ont marqué l’histoire
Jusqu’à présent, les tribunaux et le ministère des Finances se sont souvent montrés réticents à reconnaître les gains de jeux de hasard comme une source de revenus, rendant ainsi la qualification de ces gains de plus en plus difficile. Cette tendance peut s'expliquer en partie par une observation faite par Benjamin Alarie, qui note que la plupart des personnes impliquées dans des jeux de hasard finissent par perdre de l’argent, et que ces pertes sont souvent déduites de leurs autres sources de revenus.
Avant Duhamel, Fournier Giguère, D’Auteuil et Bérubé, il y avait Cohen c. The Queen, une décision qui a longtemps fait autorité au Canada en matière de poker. Dans cette affaire, le contribuable cherchait à déduire de son revenu des pertes de jeu et des dépenses d’affaires totalisant 121 991,43 $ pour l'année ; l’ARC jugeant qu’il n’exerçait pas ces activités à titre professionnel, la Cour lui a donné tort. Elle a conclu qu’il n’avait pas démontré d'intention délibérée de gagner plutôt que de perdre, ni d’attentes raisonnables à cet égard, et a constaté que le contribuable n’avait qu’une formation limitée et aucune capacité réelle à réaliser un profit par le biais de ses activités. Le contribuable n’avait pas élaboré de budget et n’a pas présenté de preuves fiables de l’élaboration ou de l’implémentation d’un plan réfléchi.
Le procès portant sur la qualification des activités de jeux de hasard a atteint son apogée avec l’affaire Leblanc c. La Reine, concernant les gains de loterie sportive de deux frères. Pour contourner les limites de billets qu’ils pouvaient acheter, ils ont recouru à diverses astuces, négociant des réductions auprès de détaillants dans des provinces telles que l’Ontario et le Québec, et ont connu un succès répétitif entre 1996 et 1999.
Bien qu’ils aient utilisé des méthodes audacieuses et des programmes informatiques pour parier sur les résultats les plus risqués afin de réaliser des gains, le tribunal a jugé qu’ils n’étaient « pas des joueurs professionnels qui évaluent et minimisent leurs risques et qui s’appuient sur des informations d’initiés ainsi que sur leurs compétences ». Malgré plusieurs indices suggérant qu’ils avaient mis en place un cadre solide pour réaliser un profit, il n’a pas été démontré qu’un « système » avait été mis en place dans ce but. En fin de compte, la Cour a statué que les activités de jeux de hasard des frères étaient de nature personnelle, ne satisfaisant pas aux obligations d’imposition au titre de revenu d'entreprise.
La présence de compétences physiques plutôt que techniques semble être un des critères importants considérés par les tribunaux pour déterminer si un joueur mène des activités commerciales. Par exemple, dans l’affaire Luprypa c. La Reine, où un joueur de billard chevronné a réalisé des gains en affrontant des joueurs moins expérimentés, ou dans l’affaire Dowling c. The Queen, où un golfeur professionnel pariait sur ses propres performances contre d’autres joueurs. Dans ces cas, les tribunaux ont refusé d'accorder des exonérations fiscales, considérant que les gains constituaient un revenu d’entreprise.
Comme il a été établi dans Leblanc et réaffirmé dans les affaires D’Auteuil et Fournier Giguère, les jeux de hasard sont généralement classés dans trois catégories principales :
- Les cas où le jeu est un divertissement ; dans ce cas, le joueur ne sera pas assujetti à l’impôt, même s’il participe de manière compulsive ou qu’il a mis en place un système d’organisation.
- Les cas où le jeu est accessoire à une entreprise.
- Les cas où un contribuable utilise son expertise et ses compétences pour gagner de l'argent dans un jeu de hasard où celles-ci sont essentielles ; dans ce cas, les gains seront soumis à l'impôt en tant que revenu d'entreprise.
En examinant conjointement les affaires Duhamel, Fournier Giguère, D’Auteuil et Bérubé, plusieurs parallèles peuvent être tracés entre les facteurs de la première catégorie et ceux de la troisième. C'est vraisemblablement pour cette raison que le juge en chef Bowman a noté que dans chacun des quatre dossiers, une analyse peu pertinente avait été menée concernant la qualification du poker comme un jeu d'adresse.
Des centaines de paragraphes dans les quatre affaires discutaient de cette question et de celle de savoir si la réussite au poker dérivait de compétences ou de la chance, la conclusion étant que des compétences sont nécessaires, mais ne garantissent pas nécessairement aux joueurs des revenus stables.
5. Les affaires Duhamel et Fournier Giguère
Les affaires Duhamel et Fournier Giguère sont difficiles à comparer, car malgré leurs nombreuses similarités - M. Duhamel et M. Giguère sont tous deux des champions de poker, affichant un style de vie semblable et évoluant dans les mêmes cercles sociaux - elles ont été analysées de manière distincte par la Cour et n’ont pas connu le même résultat.
Pour être plus précis, Duhamel a suivi les principes de la jurisprudence actuelle avec une détermination rigoureuse, tandis que l’approche dans Fournier Giguère a semblé plus permissive.
L’affaire Duhamel
Cette affaire nécessitait un examen attentif de nombreux faits et éléments de preuve, impliquant plusieurs experts sur des questions concernant les revenus du contribuable, les structures d’entreprise, les accords de commandite et la Loi de l’impôt sur le revenu. La décision de 255 paragraphes de la juge Lafleur a porté sur un enjeu central : déterminer si les gains nets de M. Duhamel issus de ses activités de poker devraient être inclus dans le calcul de son revenu d’entreprise, conformément aux articles 3 et 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le contribuable a réussi à convaincre la Cour que ce n’était pas le cas.
À première vue, les preuves fournies par l’intimée donnaient l’impression que le succès de M. Duhamel au poker et ses gains associés devaient être considérés comme du revenu d'entreprise. Il a été mis en avant qu’il avait mis en place des stratégies de gestion des risques, qu'il avait publié un livre, analysé ses adversaires, reçu des revenus de commandite, participé à des tournois caritatifs et retenu les services d’un agent pour négocier ses accords de partage de gains. Il était évident qu’il ne jouait pas au poker uniquement pour le plaisir, surtout si l’on considère qu’il a remporté le Main Event des World Series of Poker en 2010.
Cependant, le témoignage de M. Duhamel a révélé une attitude plus désinvolte, énonçant qu’il n’avait pas nécessairement l’intention de commercialiser ses activités ; il ne possédait que peu de connaissances théoriques sur les stratégies de poker ou les méthodes pour obtenir un avantage, et sa seule « formation » se limitait à regarder des vidéos sur YouTube de temps à autre et à consulter des sites d’actualités liés au poker. En outre, il a été établi qu’il ne cherchait pas à mettre un profit en vendant des cours au public. Un autre fait important à signaler : les places aux tables dans les tournois étant attribuées aléatoirement, il n’est pas possible d’étudier préalablement le jeu des autres participants. La Cour a également relevé qu’il n’était pas nécessaire d’avoir suivi une formation pour maîtriser les concepts mathématiques essentiels au poker. Il a également été noté que les agents embauchés pour s'occuper de ses relations publiques et des interviews ne s'occupaient pas de ses activités de jeu, car il gérait lui-même son inscription aux tournois et organisait ses déplacements.
M. Duhamel avait par ailleurs d'autres sources de revenus : il tirait des dividendes de sa société, des revenus de son portefeuille d'investissement, de ses commandites et de ses apparitions publiques. Bien que ses revenus proviennent principalement de son succès au poker, la Cour n’était pas convaincue qu’il en faisait son unique occupation. Toutefois, ce fait n’a pas été considéré comme pertinent, étant donné que les activités de M. Duhamel étaient distinctes de celles de sa société, qui est une entité juridique indépendante acquittant ses propres impôts et générant des revenus de commandites, de victoires au poker et d’apparitions publiques.
Un dernier facteur mettant en avant que les activités de M. Duhamel n'étaient pas de nature commerciale était qu'il n’avait pas ouvert de compte bancaire au nom de sa société, n'avait pas demandé de carte de crédit pour celle-ci, qu’il n'avait pas établi de plan d’affaires et qu’il ne tenait pas un registre sérieux de ses gains et pertes, sans préparation adéquate avant des tournois à enjeux élevés.
Au vu de la jurisprudence, il est surprenant que l’affaire Duhamel ait atteint le stade du procès. Les arguments de la ministre du Revenu national indiquent qu’elle s’est essentiellement basée sur des informations erronées, notamment en ce qui concerne la distinction entre les activités du particulier et celles des sociétés qu'il a fondées. Selon les précédents établis dans ce domaine, il a donc été décidé que M. Duhamel ne serait pas soumis à l'impôt sur ses gains de poker, ceux-ci étant considérés comme étant le fruit de la chance.
L’affaire Fournier Giguère
La question centrale dans ce dossier, tout comme dans l’affaire Duhamel, était de savoir si les gains nets découlant des activités de poker de M. Fournier Giguère devaient être comptabilisés comme un revenu d’entreprise.
Cependant, cela s'est fait d'un point de vue différent entre les deux affaires : dans Duhamel, la juge s'est concentrée sur la provenance exacte des revenus du contribuable (commandites, gains de poker, apparitions publiques, etc.) et sur la structure précise de son entreprise, tandis que dans Fournier Giguère, les activités de poker ont été davantage analysées en leur globalité. Cette distinction peut s'expliquer par le fait que M. Fournier Giguère n’était pas commandité et qu’il n’était pas rémunéré pour ses apparitions publiques, rendant l'examen de personnes morales distinctes inutile.
Au paragraphe 129, le juge Favreau déclare ce qui suit :
[…] je viens à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant avait l’intention subjective de réaliser un profit en s’adonnant à ses activités de poker et qu’il utilisait son expertise et ses habiletés [sic] pour gagner sa vie au poker, un jeu de hasard où l’habilité [sic] entre fortement en ligne de compte.
Sa décision et son analyse de la situation se sont donc fondées sur la capacité de M. Fournier Giguère à réaliser un profit et à gagner sa vie, contrairement à Duhamel, où la juge a plutôt étudié la commercialité des activités de poker.
Ce qui semble avoir fait pencher la balance dans l’affaire Fournier Giguère est la découverte que le contribuable avait joué un nombre élevé de mains contre des joueurs moins habiles que lui, qu’il avait utilisé des applications tierces et avait conclu des accords de partage de gains.
Ce dossier soulève des incertitudes quant aux réalités concrètes des activités de poker en ligne pour plusieurs raisons :
- Tout joueur de poker expérimenté qui joue régulièrement en ligne contre des adversaires choisis au hasard finira inévitablement par affronter des concurrents moins habiles. Le raisonnement de la Cour pour conclure que M. Fournier Giguère était capable de jouer systématiquement contre des joueurs moins compétents pour réaliser un profit n'est pas complètement clair.
- Il n’a pas été abordé comment les applications tierces peuvent accroître les chances d'un joueur de gagner ou leur capacité à générer des profits de manière méthodique (par exemple, en comparant ses statistiques avant et après l'utilisation d'une application).
- En outre, les accords de partage de gains sont clairement considérés comme une stratégie de gestion des risques et un signe de commercialisation des activités de jeu dans Fournier Giguère, alors que les conclusions dans Duhamel soulèvent des nuances à prendre en compte dans le cadre d’un tournoi amical en personne.
Le facteur décisif semble avoir été la capacité de M. Fournier Giguère à tirer profit de ses activités de jeux et à en faire sa source de revenus. L’affaire Fournier Giguère suggère que si un individu peut, de manière fiable et régulière, gagner de l’argent en jouant au poker, les sommes en question seront soumises à l’impôt en tant que revenu d’entreprise. L'analyse semble privilégier une approche axée sur les résultats, plutôt que de considérer le revenu comme provenant d'une formation, d'un plan d'affaires ou d'une évaluation minutieuse des gains et pertes.
6. Les affaires D’Auteuil et Bérubé
Les décisions dans ces deux affaires sont presque identiques et suivent en grande partie l'analyse effectuée dans Fournier Giguère. Les trois affaires ont été entendues par le juge Favreau, et les éléments de preuve ont été examinés, en grande partie, selon des thématiques et tendances similaires. Dans D’Auteuil et Fournier Giguère, le juge s'est presque exclusivement basé sur le critère de la capacité à réaliser un profit établi dans l'affaire Moldowan. Cette approche axée sur les résultats accorde une importance primordiale au fait qu’un contribuable ait effectivement produit des gains. Les facteurs de commercialité et l’existence d’un système n'ont été que succinctement examinés.
En reprenant la question posée par la Cour dans Stewart c. Canada, à savoir : « le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité dans le but de réaliser un profit et existe-t-il des éléments probants soutenant cette intention ? », le juge Favreau met en lumière l'importance de prouver que le contribuable a généré un profit. La juge Lafleur dans Duhamel s’est également référée à Stewart, mais s'est plutôt centrée sur les facteurs de commercialité.
Le jugement dans l’affaire D’Auteuil indique au paragraphe 120 :
Malgré son mode de vie atypique et sa tendance à toujours jouer avec des mises très élevées, l’appelant affichait un comportement d'homme d’affaires sérieux. Il jouait au poker dans le but de gagner. Il évitait de se mesurer à certains adversaires et ajustait son jeu en fonction de son « bankroll » afin d’éviter des situations trop risquées. L’appelant a appliqué des normes objectives de gestion et de minimisation des risques. Lors de sa participation à des tournois en présentiel, il partageait et vendait à d’autres joueurs des parts en fonction des frais d’entrée aux tournois. Il investissait également dans les tournois auxquels Martin Fournier Giguère participait, pour des montants entre 100 000 $ et 150 000 $.
Une conclusion presque identique est retrouvée au paragraphe 115 de la décision Bérubé :
Malgré son style de vie extravagant et sa propension à ridiculiser ses adversaires, l’appelant avait une attitude d'homme d’affaires sérieux. Il n’avait pas besoin de tenir des registres comptables, ni de plans d’affaires. Il jouait pour gagner et savait comment atteindre son but. Il évitait de jouer contre certains joueurs ou jouait de manière plus prudente. Il adaptait son style de jeu en fonction de son « bankroll » pour limiter les risques. L’appelant a mis en place des normes objectives de gestion et de minimisation des risques, jouant simultanément sur plusieurs tables pour maximiser ses chances de gains dans le temps le plus court possible.
Ces décisions laissent plusieurs questions essentielles sans réponse, notamment concernant l’impact des applications logicielles tierces sur la rentabilité d’un joueur, et s'il existe une différence entre les activités en ligne à fort volume et les tournois en personne à haut enjeu (qui soulèvent des préoccupations de gestion des risques et d’utilisation des logiciels dans l’évaluation de la commercialité).
7. Cartes sur table : bilan
Les décisions récentes concernant le traitement fiscal des activités de poker suscitent davantage de questions chez les contribuables qu'elles n'offrent de réponses. Collectivement, elles ne fournissent pas de règles claires sur la question, rendant difficile la prévision de la manière dont une personne sera imposée dans divers scénarios. Une analyse contextuelle n'éclaire que peu la définition de termes tels que « commercialité ».
Les quatre affaires ne se contredisent pas directement et leurs résultats ne sont pas incompatibles ; ils reposent sur un bon sens, dans la mesure où les contribuables sont des joueurs de poker professionnels ayant enregistré des gains importants au cours de leur carrière. En revanche, une ambiguïté demeure, car le tribunal a omis d'établir un cadre clair et prévisible pour orienter les contribuables sur les conséquences fiscales de leurs activités de jeux de hasard. Dans ces affaires, les facteurs permettant d'analyser la distinction entre activités personnelles et commerciales semblent avoir été relégués au second plan.
Il est limpide, à la lecture des décisions, que plus un joueur de poker est performant, plus ses activités sont susceptibles d’être perçues comme une recherche de profit, et donc d'être imposables comme revenus d’entreprise.
L'ironie de l'affaire Duhamel réside dans le fait que la Cour a déterminé que le contribuable n'avait pas l'intention de vivre de ses gains au poker (et qu'ainsi, il n'exploitait pas une entreprise par ses activités de jeu), car les revenus générés par ses victoires au Main Event de la World Series of Poker lui ont permis de jouer au poker pour le plaisir, sans avoir à en faire sa principale source de revenus. En d'autres termes, remporter la World Series of Poker a permis à M. Duhamel de diversifier ses revenus (dividendes, commandites, apparitions publiques, etc.), ce qui a amené la Cour à conclure qu'il n'avait pas l'intention subjective de faire du poker une profession.
Dans les affaires Fournier Giguère, D’Auteuil et Bérubé, la Cour a mis de côté les critères commerciaux habituels et s'est concentrée sur les preuves de réussite financière personnelle des contribuables, notamment leur revenu annuel, les revenus générés par leurs activités de coaching, le coût des biens achetés grâce à leurs gains, et la valeur nette et les bénéfices réalisés. L'issue aurait-elle été identique si, plutôt que de lui permettre de « gagner sa vie », les activités de M. Fournier Giguère avaient engendré