En France les sites illégaux sont fréquentés par 4 millions de personnes qui s’exposent à des risques sans même le savoir. Basés dans des paradis fiscaux, ces sites ne prévoient aucune mesure de protection, que ce soit par rapport aux risques d’addiction ou à l’âge des joueurs. Vols de données et escroqueries y seraient aussi nombreux.
Publié le 18/11/2024 à 08:20, mis à jour le 18/11/2024 à 08:20
Il existe en France une offre illégale de jeux de casinos en ligne. Selon une étude menée par la société PwC pour l’Autorité nationale des jeux (ANJ) en 2023, entre 3 et 4 millions de personnes y ont joué. Et la moitié ignorerait le caractère illicite. Certains sites illégaux de casino utilisant d’ailleurs même le logo de l’ANJ pour faire croire au joueur qu’il est en lieu sûr. Dans ce contexte, ces individus se retrouvent souvent piégés dans un monde où la ludomanie peut facilement prendre le dessus, entraînant des conséquences dévastatrices sur leur vie personnelle et financière.
Le produit brut de ces jeux de casino en ligne en France, se situerait entre 748 millions et 1,5 milliard d’euros, "soit entre 5% et 11% du marché global des jeux d’argent", note Clément Martin Saint-Léon, le directeur général Jeux du groupe Barrière et secrétaire général de Casinos de France. Cette somme colossale montre à quel point le marché noir des jeux de hasard s’est incrusté dans le tissu économique, rendant la lutte contre ces activités illégales encore plus complexe.
Les risques encourus pour les joueurs de ces sites
L’ANJ qui lutte au quotidien contre cette offre illégale liste sur son site les risques encourus par le joueur: la triche y est possible puisqu’il n’y a aucune homologation des logiciels de jeux utilisés; les gains sont rarement payés; aucun contrôle de la majorité du joueur n’est opéré la plupart du temps; il n’y a pas d’encadrement des mises, ce qui augmente considérablement le risque de surendettement du joueur; il n’existe aucun mécanisme de protection contre les dangers du jeu excessif car les sites illégaux ne proposent pas de mécanisme d’auto-exclusion ou de contrôle des personnes interdites de jeux; les joueurs ne disposent d’aucune protection légale ou de recours en justice contre les éditeurs du site en cas de litige notamment concernant les gains impayés; le vol de données personnelles et bancaires est fréquent. Ces failles de sécurité exposent les joueurs à des dangers qui pourraient être évités dans un cadre légal et régulé.
Depuis 2022, 506 actes administratifs de blocage ont ainsi été rendus par l’ANJ, ce qui a abouti au blocage de 2365 URL. C’est deux fois plus qu’il y a 10 ans. Mais ça ne suffit pas car une fois bloqués, ces URL se recréent très rapidement. Une liste noire est accessible sur le site de l’ANJ, qui a aussi sensibilisé les intermédiaires comme Google, afin de limiter au maximum l’accès à ces plateformes illégales. Le combat est loin d’être gagné, car ces sites trouvent constamment des moyens pour contourner les interdictions, rendant le travail de l’ANJ toujours plus difficile.
Légaliser pour assécher l’offre illicite?
Pour mémoire, en 2010, le législateur avait asséché les offres illégales de paris sportifs et de poker en ligne en ouvrant ces deux secteurs à la concurrence. Légaliser le casino en ligne pourrait avoir le même effet. C’est d’ailleurs l’avis du fondateur et directeur général de Betclic, Nicolas Beraud, qui, dans une interview accordée à nos confrères du JDD a appelé le gouvernement à ne pas renoncer à son projet de légalisation des casinos en ligne:"Les opérateurs illégaux piétinent l’autorité des pouvoirs publics puisqu’ils ne respectent aucune loi, ne paient aucune taxe et qu’ils alimentent potentiellement des réseaux criminels internationaux. Pour ces raisons, il est urgent d’agir." Ce plaidoyer pour la légalisation s'appuie sur des exemples internationaux où des systèmes régulés ont réussi à générer des revenus importants tout en protégeant les joueurs.
Mais pour le département de l’offre illégale au sein de l’ANJ, ce n’est non plus pas la solution: "Au Portugal, 40% des joueurs fréquentent les sites illégaux, alors même que les casinos en ligne sont autorisés. Quant à la Belgique, parmi les 10 opérateurs les plus populaires, quatre sont encore illégaux et représentent près de 60% du trafic." Ces chiffres témoignent des défis que pose la régulation des jeux en ligne, et soulignent la nécessité d'une stratégie globale pour endiguer le phénomène des sites illégaux tout en éduquant efficacement les joueurs sur les risques qu'ils encourent.